Des moments de vie joyeux, douloureux ou purement esthétiques, « encrés » à jamais, figurent comme un acte fort qui transforme le corps et l’esprit. Un bouleversement profond où le regard des autres ne sera plus jamais le même.
Pendant 2 ans, 150 femmes ont fait l’objet d’une rencontre singulière durant laquelle photos et témoignages se sont succédés. Une pause pour révéler, à fleur de peau, les escales qui ont traversé leurs vies, suivant un désir puissant d’empreindre une trace sur leurs corps, qu’elle soit infime comme des initiales ou couvrant le corps entier.
L’artiste Nathalie Kaïd, photographe et plasticienne, a découvert au fil des séances que ces tatouages, sans exception, étaient liés ą une histoire personnelle, conduisant ces femmes à inscrire, à jamais dans leur chair, les expériences les plus intimes, souvent secrètes. Ces révélations nées de l’image et du témoignage sont devenues, dans le plus grand secret, le fil conducteur du projet.
A une époque où le tatouage apparaît comme un véritable phénomène de société intergénérationnel, Nathalie Kaēd a souhaité partager l’intimité de celles qui sont passées à l’acte, mettant en lumière le motif qui les accompagnerait pour toujours et les raisons intimes de ce choix indélébile. Chaque individu traverse des épreuves et des événements fondateurs. Les accidents de la vie traumatisants parfois accompagnent tout un chacun.
Dans quelles circonstances les femmes ont-elles souhaité que leur corps en témoigne ? Pour les femmes tatouées, quelle relation si particulière ont-elles avec leur corps pour vouloir prendre la main sur leur apparence, au défi de séances dont la douleur s’assimile à un passage initiatique ?
C’est dans ce questionnement que Nathalie Kaēd a construit sa démarche artistique, révélant le corps et l’âme de ces femmes qui se prêtent à la photographie sans tabou, tout en partageant le sens de leur démarche. Aussi a-t-elle reću dans son studio plus de 150 femmes, chaque séance de témoignage et d’image livrant, dans ce huis clos, des parcours de vie intimes et parfois demeurés secrets.
Cette dimension si particulière, elle a souhaité la soumettre ą l’expérience de Philippe Liotard, sociologue à l’Université Lyon 1. Il y dispense des cours sur l’anthropologie du corps. Ses thématiques de recherche concernent les violences sexuelles, sexistes et homophobes, les discriminations ainsi que les maltraitances rapportées ą une réflexion éthique dans le sport. Ces travaux s’inscrivent dans un questionnement constant sur les liens entre corps, éducation et culture. Il travaille aussi sur les modifications de l’apparence corporelle (piercing, tatouage) et sur l’éducation ą la sexualité des adolescents et des adolescentes.